jeudi 9 février 2012

Discussion 1 : à propos de "Sleepwalkers" de Thierry de Peretti

Thierry de Peretti est un acteur, réalisateur et metteur en scène. Il est né en 1970 à Ajaccio (où se déroule une bonne partie de son film "Sleepwalkers").

Cela fait vingt ans qu'il joue au théâtre et qu'il met en scène.

Il vient au cinéma en 2005, avec un court-métrage : "Le jour de ma mort", qui a suscité beaucoup d'intérêt.

Vous pouvez trouver d'autres informations sur sa page Wikipédia, sur son site propre (thierrydeperetti.com) et voir ses films sur Viméo.

Alors pourquoi ce billet ?

Deux raisons : j'ai vu "Sleepwalkers", et j'ai été très très attiré par ce film, captivé par un certain nombre de scènes, emballé par le climat général, la façon de montrer les errances de ces "somnambules" (errances sur l'île de Corse, mais on pourrait en trouver bien des similaires de par de le monde et en même temps c'est extrêmement intéressant de les voir ainsi mises en scène sur cette île).

La deuxième raison vient du constat que les oeuvres (littéraires, cinématographiques, plastiques, etc.) corses sont rarement visibles, ne font pas nettement partie de notre espace public, et donc n'infusent pas suffisamment nos imaginaires, ne suscitent pas assez de mouvement et de discussion (discussions dont on puisse garder une trace permanente, et qu'on puisse retrouver facilement).

Donc, voici un billet qui accompagne un lien vers le film "Sleepwalkers" (qui est en accès libre sur Internet) ainsi qu'une petite vidéo de 5-6 minutes que vous trouvez à la fin de ce billet où deux spectateurs du film discutent, échangent leurs avis. Les deux spectateurs sont Pascal Génot (docteur en Sciences de l'Information et de la Communication de l'Université de Corse. Ses recherches portent sur les liens entre cinéma-audiovisuel et identités collectives, principalement à partir et à propos de la Corse.) et moi-même (François-Xavier Renucci, simple spectateur, animateur du blog "Pour une littérature corse").

ATTENTION, ATTENTION : cette discussion est brève (nous ne voulions pas qu'elle soit trop longue, mais serve plutôt de lancement à une discussion plus large avec tous les internautes qui voudraient envoyer un commentaire à ce billet après leur vision du film), chacun des interlocuteurs n'exprime donc qu'une partie de ses opinions. De même, ces opinions n'engagent qu'eux-mêmes et sont ABSOLUMENT discutables (elles sont faites pour cela).

Il est donc clair qu'il n'est pas dans l'esprit de cette initiative de faire du mal inutilement à une oeuvre ou à un auteur. L'objectif est très clair : échanger courtoisement des points de vue qui précisent comment chacun a vu ce film, ce qu'il en attendait avant de le voir, ce qu'il en pense maintenant. Tout commentaire désobligeant ne sera pas publié ou bien alors je me permettrai de reformuler les messages intéressants mais dont la forme est par trop blessante.

A très bientôt, j'espère !



Pour voir le film "Sleepwalkers", cliquer dessous :


SLEEPWALKERS.

jeudi 16 juin 2011

Bref mot post-projection et discussion : "Paroles sur images" de Cesarini et Dufau

Oui quelques mots très brefs pour évoquer la projection du documentaire (version 80 minutes) de José Cesarini et Alain Dufau, "Paroles sur images" (2010).

* C'était bien hier soir entre 20 h 30 et 23 h, en présence de José Cesarini et du monteur Emmanuel Roi. Dans la salle Armand Lunel, de l'Institut de l'Image, à la Méjanes, à Aix-en-Provence. Devant un public d'une trentaine de personnes, ce qui n'est pas considérable mais honorable et bien suffisant pour qu'il y ait eu une discussion fort intéressante avec le réalisateur et son monteur, un grosse dizaine de personnes prenant la parole, et la reprenant.

* Donc, le film a touché les gens, les a comblés ou, plus rarement, les a décontenancés. Non ce n'est pas une image typique de la Corse que ce film montre. Les échanges ont porté notamment sur la façon dont les personnes interviewées ont été rencontrées et sélectionnées au montage (100 heures de rushes, 60 personnes rencontrées, 22 présentes dans le documentaire : le choix est très difficile, bien sûr). Il a aussi été question du rapport entre le son, la musique et les images. Ou bien encore du pourquoi du recours aux images fixes (photographies) pour faire émerger une parole neuve, intime, sincère. Et de l'invisible qui se cache dans les images. Des multiples Corses que chacun vit dans l'île. De l'effet de réalité au sein du genre du road-movie. Des contradictions. De l'absence de ciel bleu. Des couleurs qu'on sature avec des intentions différentes. Du pessimisme qui n'est pas vraiment présent dans le discours des 22 personnages. Des rires et des sourires. D'un poème en langue corse et en alexandrins. Des couteaux. Des cailloux qui sont du son matérialisé. De bien d'autres choses : ville et métissage, montagnes, rocs, olivier immortel, prêtre refusé, jeunes amoureux, jeunes garçons, Tarantino, Jean Ferrat, sorciers ("on est tous un peu sorciers")...

Bientôt le programme 2011-2012 de l'association Corsica Calling.

dimanche 8 mai 2011

Programme Mai/juin 2011

Demandez le programme !
Venez nombreux.
Prenez la parole...

- Vendredi 13 mai 17 h (Lycée Vauvenargues à Aix, dans la Chapelle) : rencontre
discussion avec Jérôme Ferrari (le jeune romancier corse, 6 livres à son actif,
et trois prix littéraires, dont le Prix Roman France Télévisions pour son
dernier roman, "Où j'ai laissé mon âme", qui évoque notamment la torture en
Algérie en 1957).

- Samedi 14 mai 17 h 30 (FNAC d'Aix, espace Forum) : la même chose avec Jérôme
Ferrari (notamment en regardant des extraits de deux films qui l'ont influencé :
"Apocalypse Now" de Coppola et "L'ennemi intime" de Rotman)

- Mercredi 15 juin, 20 h 30 (Institut de l'Image, salle Armand Lunel, Cité du
Livre à Aix) : diffusion du documentaire de José Cesarini et M. Duffau, "Paroles
sur images" (entretien avec des habitants de l'île à propos de la Corse et
d'eux-mêmes à partir de photos issues du fond du Centre Méditerranéen de la
Photographie de Bastia ; un très beau et très fin portrait collectif de la Corse
post-années 90)

J'espère que vous viendrez nombreux, accompagnés de nombreux amis qui aimeraient
découvrir la Corse !

A très bientôt

François
06 88 80 62 83

vendredi 25 mars 2011

Quoi de neuf 3 : compte rendu

Hier au soir, lorsque j'arrivai à l'amicale, le film était déjà commencé (heureusement pour moi, je l'avais déjà vu quelques semaines auparavant). Public silencieux, attentif, dans la pénombre. Assis sur les chaises bleues en plastique, devant l'écran de la télévision où je vis, en entrant, Pierre-Paul Muzy et Dominique Parizot, chanter.

Donc, le documentaire "Poussière d'août", d'André Mariaggi, raconte l'histoire d'un couple qui s'aime et qui aime le chant, et qui aime se le dire en chantant.

Les deux "personnages" du film étaient présents ce soir-là et c'est avec grand plaisir qu'ils se sont prêtés à la petite discussion qui a lieu après le visionnage d'un film à l'amicale.

Je résume ici rapidement plusieurs points qui ont été évoqués et qui me semblent importants :

* la question de l'intime. Il est apparu à certains que le documentaire faisait dire des choses trop intimes aux personnes interrogées, que cela ne correspondait pas forcément à la pratique usuelle qui veut que les affaires de famille ne s'évoquent pas publiquement. En même temps, la trajectoire de ce couple, à la recherche d'une acceptation par la famille de Pierre-Paul, peut apparaître comme exemplaire d'une difficulté universelle à renouer les liens distendus. (Combien d'insulaires partis de l'île et ne conservant avec celle-ci que des relations très tendues, conflictuelles, amères ? N'est-ce pas toute une partie réelle de la vie avec la Corse, et ce depuis très longtemps ? N'est-il pas d'un extrême intérêt de raconter cela aussi ?)

* la question de l'imprévu. Pierre-Paul et Dominique ont vécu plusieurs semaines dans l'île avec les trois personnes de l'équipe qui les filmait et interrogeait. Ce ne fut pas simple, et ce fut un voyage extrêmement riche. Des 47 heures de rushes, André a tiré un documentaire de 52 minutes qui a surpris les premiers concernés. Non que le film ne soit pas juste, mais tout simplement il a mis l'accent sur une histoire d'amour alors qu'il était d'abord question de suivre un tour de chant original (Petru Memoria et Dumè dans leur camping car, sillonnant l'île d'église en place de marché). Et aussi parce qu'André Mariaggi a choisi de filmer ce couple dans une île débarrassée des clichés attendus (la beauté des paysages par exemple), à hauteur d'homme, avec les bas côtés des routes, les ombres sous la tente, les clients indifférents du marché, les regards furtifs. Et enfin parce qu'en écho à cette histoire d'amour et de retour (et de nouvelle vie désirée et patiemment vécue, construite au jour le jour), le cinéaste évoque ponctuellement sa propre relation à l'île, tout à fait différente : "je n'y ai pas ma place", "je ne suis pas très famille", "je n'ai pas connu la vie du village, nous étions cloîtrés dans des maisons austères", "moi, un Corse, sans maison et sans terre, dormant dans un camping !"... C'est le principe et le charme des documentaires que de nous donner un accès neuf et vif à la réalité car ils sont disponibles aux imprévus, à ce qui se produira sans qu'on l'attende. A ce titre, "Poussière d'août" est exemplaire de la puissance que peut atteindre le documentaire.

* la question de la liberté et du courage. Liberté du rouge-gorge évoquée par Monsieur Grisoni à Ajaccio, courage et désir de liberté des Corses dans leur endurcissement aux travaux du village ou dans les combats (Ponte Novu) évoqués par Lucette à Osani, liberté et courage de Pierre-Paul et Dominique de ne pas craindre de prendre les apparences du touriste (camping car et flânerie) afin de mieux reconstituer la famille (Ulysse lui-même fut le mendiant en quête de royauté retrouvée). Courage car l'on sent bien que les choses ne sont pas gagnées, même pendant ou après le repas de famille et que, comme le dit, Pierre-Paul, "a strada continueghja". Et puis liberté et courage de Dominique qui écrit un poème en langue corse, qui n'est pas sa langue maternelle (elle est bretonne), un poème pour son amoureux, qu'elle dit avec son accent (plaisir d'entendre ainsi une langue vivante, adoptée, pratiquée, réellement). Le poème s'appelle "Polvara d'aostu" et donne son titre au film (en français cette fois).

Pour conclure, je trouve frappant que le documentaire parvienne à nous entretenir 52 minutes durant d'amour et de sentiments sans tomber dans le pathos et le sentimentalisme (qui par moments tout de même risquent fort de se répandre sur l'écran, je trouve, personnellement, mais le risque est évité me semble-t-il par des astuces de "mise en scène", longueur d'un plan ou au contraire brièveté, voix off, voix décalées par rapport à l'image, plans apparemment anodins, et puis, selon moi, une citation involontaire d'Apocalypse now - vous vous souvenez, c'est la première rencontre entre Marlon Brando (Kurtz) et Martin Sheen (Willard), Willard à genoux de côté voit la forte silhouette de Kurtz se redresser sur son lit pour s'asseoir, et passer sa main sur son crâne rasé, plusieurs fois, vous vous souvenez ? - eh bien, nous (Willard) voyons la forte silhouette d'André (Kurtz) en ombre chinoise sous la tente, passer plusieurs fois sa main sur son crâne rasé... et se questionner sur sa présence incongrue sous une telle tente !... Car le film ne manque pas d'humour, non plus, d'un humour qui se mêle à la tendresse et aux sentiments doux-amers.

Peut-être voulez-vous donner votre opinion ?

mardi 22 mars 2011

Quoi de neuf 3 : un documentaire, un road-movie intimiste

Qu'on se le dise !

Vendredi 25 mars 2011, entre 18 et 20 h, nous prendrons le temps de nous rencontrer, de regarder ensemble un documentaire de 52 minutes, d'en parler, et de boire un verre.

Et tout cela en quel honneur ? Pour célébrer les grandes valeurs de l'humanité ? La création, la convivialité, l'amitié, l'amour et la paix entre les peuples ? Non. Jamais de la vie.

Nous allons voir comment un de nos congénères humains, André Mariaggi, s'est interrogé sur sa relation à la Corse en filmant un couple d'amoureux fusionnels, Pierre-Paul et Dominique, couple de chanteurs bien décidé à vivre leur vie (comme aurait dit Godard). Que font-ils ? Ils roulent sur les routes de l'île, en direction d'un hypothétique repas de famille... (Enfin, cela c'est mon regard personnel...)

Road-movie intimiste, ce documentaire est vraiment à voir, et à discuter. Venez nombreux, prenez la parole !

Cette soirée est co-organisée par l'association Corsica Calling et par l'Amicale corse d'Aix. Elle se déroulera dans les locaux de l'Amicale : 18 avenue Laurent Vibert, 13090 Aix-en-Provence... Appelez-moi si vous êtes perdu : 06 88 80 62 83.

lundi 21 mars 2011

Quoi de neuf 2 : compte rendu

Pour commencer, j'interroge Angèle Paoli, Yves Thomas et Guidu Antonietti à propos de la revue littéraire numérique "Terres de femmes" dont ils sont respectivement responsable de la rédaction, éditeur/webmaster et directeur artistique :

YT :
Tout a commencé avec le site Zazieweb d'Isabelle Aveline (site qui ne fonctionne plus aujourd'hui). Un petit groupe de "zazienautes" alimentait ce site. Ce qu'on y trouvait ? :
- des comptes rendus de livres, de lectures
- des zones de débats, organisés par Yves Thomas, notamment un à propos de la littérature slovène
- un magazine, un peu plus secret et réservé
- une anthologie de poésie par Florence Trocmé
Ce fut un site génial, mais dont la formule avait fini par vieillir.

GA :
Zazieweb n'était cependant pas du tout un site secret, c'était une vraie référence professionnelle pour les éditeurs. Ce site a eu un rôle fédérateur extrêmement important à un moment où Internet et les blogs commençaient vraiment.

AP :
Nous avons discuté d'un nouveau site/blog à partir d'octobre 2004. En novembre, Florence Trocmé a créé le site Poezibao. En décembre, nous (Yves et moi-même) avons créé "Terres de femmes". Je voulais quelque chose de structuré, de construit, pour pouvoir présenter mes textes et des poésies d'autres auteurs. Yves avait une expérience de 30 ans (Bordas, Microsoft Encarta) et trouvait qu'un blog avait quelque chose d'amateur.

YT :
Puis j'ai fait mon autocritique et je me suis dit qu'on pouvait construire ce qu'on voulait (notamment via des bases de données). Le cahier des charges entre nous est strict : Angèle écrit et choisit les textes à mettre en ligne, je m'occupe du travail éditorial. Guidu envoie ses photos et images.

GA :
Je fais de la photo depuis toujours, depuis l'âge de 15 ans. Mais on se demande toujours quoi en faire, de ses photos (voir ici le site de ses "aquatintes"). J'ai 150 000 photos (classées suivant les lieux où je les ai prises). Je me suis intéressé à Internet dès son arrivée dans les années 1990, par curiosité naturelle et parce que j'y ai trouvé un moyen simple de communiquer mes images.
Concernant mon travail pour "Terres de femmes" : quand je lis un billet d'Angèle (ou d'un autre contributeur), un élément entre en correspondance avec ce que j'ai dans ma mémoire (je me souviens de la plupart des mes photos). C'est un déclic, une réaction au texte. Et dans l'heure, j'envoie une photo à Yves. C'est une photo par jour, donc. Depuis décembre 2004, 3500 notes ont été mises en ligne.
Un texte aveugle (sans image), ça m'embête. C'est un principe tout à fait différent du site Poezibao, où il n'y a aucune image.

YT :
Je signale l'importance des images de Guidu dans les raisons de la fréquentation du site "Terres de femmes". Notre site a connu un pic de fréquentation en 2008, puis celle-ci a légèrement décliné (avec l'arrivée du micro-blogging) avant de remonter aujourd'hui. "Terres de femmes" reçoit entre 1000 et 1200 visiteurs par jour. L'article sur la Vénus Hottentote (écrit par Marielle Lefébure), par exemple, est un des plus consultés. Concernant les images de Guidu, celle envoyée pour le billet sur Paul Eluard, "Je t'aime", a un succès fou.

AP :
Il est arrivé aussi que j'écrive à parti des photos de Guidu, notamment pour la série de bois flottés intitulée "Le Passeur de mélancolie", qui avait été exposée à l'espace Orenga de Gaffory, à Patrimonio.

J'interroge ensuite Angèle Paoli à propos de son récent ouvrage "Carnets de marche", paru en 2010 aux éditions du Petit Pois, de David Zorzi :

AP :
David Zorzi a lu des extraits de mes "Carnets de marche" que je mettais en ligne sur "Terres de femmes". Il tenait lui-même un blog, "Cordesse". Il m'a dit qu'il voulait les éditer, qu'il allait créer sa maison d'édition. C'était fin 2009. A partir de ce moment, j'ai interrompu la publication numérique. Nous avons travaillé durant trois ou quatre mois, en commun. Il analysé le manuscrit, m'a conduit à recadrer, resserrer. J'ai accepté ses remarques avec une confiance absolue. Et nous avons poursuivi les relectures et les corrections.

YT :
Ce fut un vrai travail d'éditeur comme on en faisait il y a trente ans, dans les années 70. Les éditeurs prenaient des risques.

AP :
J'étais dans un certaine incertitude face à ces "carnets". Des lecteurs du site étaient frustrés par l'arrêt de la publication numérique. Et puis David a fait un premier tirage à 150 exemplaires. Qui a été rapidement vendu. Un deuxième tirage est en cours.

AP :
J'étais professeur à Amiens, jusqu'en 2005, un travail très absorbant. Nous avons alors décidé de nous installer en Corse, dans un contexte plus libre. Nous avons construit notre univers : avec l'ordinateur dans l'ancien moulin à huile et l'adsl. Jusque-là je ne m'étais pas autorisée l'écriture. Puis mon travail, mes comptes rendus de lecture, pour Zazieweb m'ont donné de la confiance. Et je me suis dégagée de mes techniques universitaires pour parvenir à une expression personnelle.
C'était aussi une façon de trouver une expression pour des femmes qui subissait la loi du silence.
Je veux parler du silence qui se faisait à propos de mes grands-mères. Elles n'avaient pas eu le droit de parler. Alors j'ai pris ce droit.
Par ailleurs, j'étais intimidée par la poésie "obligatoire" que j'enseignais au lycée (Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, etc.). Je ne connaissais rien à la poésie contemporaine et ultra-contemporaine. Florence Trocmé me disait toujours : "Tu ne connais pas tel auteur ?". Cela m'a permis de sortir des sentiers tout tracés. Lire la poésie d'aujourd'hui autorise l'écriture. Certains auteurs sont des embrayeurs d'écriture.

Les "Carnets de marche" sont la conséquence d'une rupture affective considérable.
Quitter la Picardie, ce fut laisser des milliers de livres, des affaires pour aller occuper une maison de famille dans le Cap Corse. La Picardie est une très belle région, il faut aller au-delà des clichés. Il y a de larges espaces de terre et de ciel.
Aller en Corse ne se concevait pas sans l'adsl. C'est ce que nous avons demandé au maire de Canari.
La maison familiale est un casone avec ses dépendances, construit par Dominique Baldassari, au début du 19ème siècle, à son retour de Trinidad. Il s'agissait de réinvestir cette maison. Et d'en faire à nouveau un lieu de rencontre familiale.

Après mon travail pour le site, je ressens le besoin de sortir du moulin. Je marche, en suivant quasiment toujours le même chemin, sur la même distance, avec quelques variations. Quel que soit le temps qu'il fait. Et j'ai mes carnets avec moi : j'écris durant cette marche. La marche libère mon esprit. Les allures différentes de mon pas créent des rythmes d'écriture différents. L'écriture passe par le corps. Il y a alors ce que j'appelle des "traversées de pensées". Le passé, ce que je vois, mes lectures me viennent à l'esprit. Et j'essaie de dire ces choses dans l'infime et l'intime du corps.
J'en avais assez d'être muselée. Je voulais m'autoriser d'écrire ce que je voulais. Je ressens cela très fort. J'en avais assez du silence qui pesait dans ma famille (je pense à la lettre cachée de ma grand-mère) ou dans l'espace politique public.

YT :
Je trouve qu'il y a la même rage chez Angèle que chez Marcu Biancarelli (voir ici sa lecture de "Vae Victis", recueil d'articles de MB).

AP :
Concernant les différents lieux côtoyés durant ces marches, il y a "Hanging Rock (Australie)". Ce nom étrange vient d'un livre conseillé par mes élèves, "Pique-nique à Hanging Rock" (voir ici un lien vers le film tiré du roman de 1967), qui évoque une sorte de jungle en Australie, où des jeunes filles disparaissent. Et j'ai donné ce nom à un endroit justement couvert d'une végétation délirante, sur le chemin que je parcoure sans cesse. Végétation de jungle, humide, des lianes. Un lieu inquiétant. Cette route me ramène à des images de l'enfance (les aventures du Club de Cinq). Avec des sensations de l'enfance : la peur en même temps que le désir d'aller vers ces endroits inquiétants.

Plusieurs personnes dans le public réagissent :

Une dame se reconnaît dans ce rapport à la montagne évoqué par Angèle Paoli. Elle campe sur son terrain, elle s'isole dans son maquis. Mais elle ne retournerait pas vivre en Corse. Elle indique qu'elle et ses soeurs et cousines avaient toutes envie de partir, de franchir la mer.

Une autre dame évoque sa lecture des "Carnets de marche" et indique que ce qui lui paraît important ce n'est pas tellement la question de la Corse mais plutôt une démarche psychologique, comme un retour à la mère, à la matrice. Elle se reconnaît dans ce parcours. Elle se sent accompagnée par ces "Carnets" et trouve une force consolatrice dans cette recherche du noyau central, profond. Comme un moulin qui tourne et grince en même temps.

Une autre dame se récrie et affirme avec force que le lieu (le Cap Corse) est d'une extrême importance dans ce livre. Il s'agit d'un lieu mythique, un être vivant à part entière.

Emmanuelle Caminade indique qu'elle n'est née nulle part et qu'elle a plongé ses racines dans plusieurs pays chers à son coeur (la Russie, l'Algérie, le Cap Corse). Ce qui lui a plu dans ces "Carnets", c'est l'anticipation de la rupture d'avec une femme aimée et la recherche de nouveaux repères. Inclus dans un sorte de préparation à la mort. "Au-delà de l'enclos, oseras-tu avancer ?" Elle indique donc que le pronom "je" (faisant écho à la discussion qui eut lieu à ce sujet sur son blog "L'or des livres") utilisé par Angèle Paoli lui apparaît comme un signe d'authenticité, de simplicité, comme un non besoin de se dissimuler.

samedi 12 mars 2011

Quoi de neuf 2 : Angèle Paoli, et ses hommes, la poésie, la Corse, Internet

les œuvres :

CARNETS DE MARCHE (ouvrage poétique d’Angèle Paoli, publié aux éditions du Petit Pois, en 2010 : http://cordesse.typepad.com/leseditionsdupetitpois)

TERRES DE FEMMES (revue de poésie, de critique et de littérature sur Internet : http://terresdefemmes.blogs.com)

les artistes invités :

.ANGÈLE PAOLI

.YVES THOMAS

.GUIDU ANTONIETTI

la rencontre proposée :

Vous êtes attendus nombreux, quelles que soient vos attentes et vos curiosités, pour écouter nos invités et évoquer avec eux :

.LA POESIE

.LA CORSE

.LES REVUES LITTÉRAIRES

.INTERNET

.ETC…

Le samedi 19 mars 2011, à partir de 18 h, dans les locaux de et à l’invitation de l’Amicale corse d’Aix (18 avenue Laurent Vibert, Espace Mistral ; http://amicalecorseaixoise.free.fr).

Appelez-moi pour en savoir plus : François-Xavier Renucci, 06 88 80 62 83

http://pourunelitteraturecorse.blogspot.com

http://corsicacalling.blogspot.com